Samedi 14 décembre
Un cyclone tropical a dramatiquement frappé l'île de Mayotte[1]. Les vagues, poussées par des vents dévastateurs - mesurés à plus de 180 km/h, avec des rafales approchant les 250 km/h dans le nord de l’île -ont atteint plus de sept mètres de haut au nord-ouest de l’archipel.
L'île présente un niveau inédit de dévastation après le passage de Chido, le dernier événement d'une telle intensité datant de 1934.
Sollicité par la Direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), le bataillon de marins-pompiers de Marseille a répondu présent.
Des marins-pompiers, de personnel médical et du matériel.
Mi-décembre, dix-neuf marins-pompiers ont été projetés en renfort : trois médecins, une infirmière et trois logisticiens spécialisés dans la gestion d’un poste médical avancé (PMA) ainsi que 12 spécialistes appartenant à la section opérationnelle spécialisée Urban Search and Rescue (USAR) ou unité de sauvetage, d’appui et de recherche.
Ils se sont insérés au sein de l'élément de sécurité civile rapide d'intervention médicale (ESCRIM), du module "cyclone" INSARAG (international search and rescue advisory group) et d'un module PMA comprenant des personnels des services d'incendie et de secours de la zone sud et des Formations Militaires de la Sécurité Civile (FORMISC).
Le 27 décembre, l'intégralité du détachement et du matériel était déployée sur Grande Terre et le travail commençait.
Les missions du personnel médical et paramédical ainsi que celles du personnel logisticien PMA ont pour objet principal de renforcer les structures de santé de l'île (hôpitaux et dispensaires) pour le traitement des blessés. En appui de ces structures, le PMA du bataillon de marins-pompiers de Marseille, installé à proximité du collège de Dzoumonié, prodigue également des soins aux blessés et malades.
Quant au personnel USAR, il contribue à la recherche de personnes, au dégagement des accès et à des chantiers de protection et de remise en état de bâtiments, principalement des mairies et des établissements scolaires.
ZOOM SUR : le Dr Lionel, Directeur des secours médicaux au PC opérationnel Mayotte.
Dans les jours qui ont suivi le passage du cyclone, je me suis porté volontaire en tant que médecin urgentiste en réponse à la demande des autorités du BMPM.
Je devais initialement être détaché auprès de l’ESCRIM, l'Élément de Sécurité Civile Rapide d'Intervention Médicale, qui devait être projeté sur l’île.
Mais arrivé à la Réunion, ma mission a pris une autre tournure… J’ai été réquisitionné par Monsieur le Préfet de Mayotte en qualité de directeur des secours médicaux (DSM), en relève du Dr Cyril MARIMOUTOU, médecin chef du SIS 974 de La Réunion, qui avait assumé cette lourde tâche les jours précédents.
L’objectif de ma mission était simple en apparence: participer au déploiement du dispositif de secours à personnes sur l’ensemble du département.
Mais sa réalisation s’est avéré extrêmement complexe, tant par l’importance du territoire (un département entier et ses 374 km2), que par le nombre de personnels (950), médicaux ou non, et leur diversité de statut : sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, unité d'instruction et d'intervention de la Sécurité civile (UISC), brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM).
Les premières heures ont donc été un véritable casse-tête, mais cette mixité de compétences a permis d’armer des entités d'une importance capitale pour les secours.
D'abord, l’ESCRIM, Élément de Sécurité civile rapide d'intervention médicale, non loin du CHM de MAMOUDZOU. Cet hôpital de campagne, totalement autonome, représente 70 tonnes de fret. Il regroupe du matériel médical classique, un bloc opératoire, une salle d’accouchement, un appareil de radiologie mais aussi un lieu de vie avec douches sanitaires et couchage. Une pharmacie centrale a été créée à coté de l’ESCRIM pour gérer les besoins en matériel médical et médicaments d’un si important dispositif.
Ensuite, le dispositif a permis l'installation de cinq Postes Médicaux Avancés (au nord de l’île, au sud, sur Petite Terre et deux au centre) et le soutien de plusieurs dispensaires tant au niveau humain que matériel.
Enfin, de multiples équipes de Soutien Santé en Opérations (SSO) ont été mis en œuvre pour suivre l’ensemble des personnels engagés dans ces circonstances particulièrement difficiles.
Tous les jours, dans des conditions dégradées, le toit du bâtiment ayant été arraché par le cyclone, nous nous retrouvions au poste de commandement opérationnel et à la cellule de crise préfectorale.
Malgré cette précarité, outre la Direction des secours médicaux, des spécialistes de l’électricité et des réseaux d’eau, les forces de l’ordre, l’agence régionale de santé, la Sécurité Civile ont su coopérer pour surmonter les difficultés.
Les personnels aéronautiques, pilotes, contrôleurs aériens, spécialistes du fret ont également apporté leur efficace contribution à l’aide fournie aux Mahorais.
Le préfet, les sous-préfets et leurs directeurs de cabinet ont assumé la responsabilité décisionnelle finale en privilégiant toujours la fluidité et l’harmonie des équipes et des moyens.
Je me suis investi dans cette expérience hors du commun, aidé chaque jour par l’infirmier principal Thomas DUCROS, du SDIS 13, que j’avais désigné comme officier de liaison. Ces circonstances exceptionnelles m’ont permis d’apprécier l’efficacité d’une cellule de crise préfectorale. J’ai été, pendant toute la durée de ma mission, le gestionnaire de tâches au service de personnels d’une immense qualité et l’attitude de chacun sur le terrain fut pour moi un soutien de chaque instant et un encouragement à me dépasser.
Ce fut l’expérience la plus passionnante de ma carrière, mais également la plus difficile et la plus stressante. Elle révèle, si besoin était, la capacité du bataillon de marins-pompiers à intervenir en tout temps, en tous lieux, et en toutes circonstances, au plus vite et au mieux.
Ce fut un honneur.
Encadré
Le BMPM, toujours dans l’anticipation
En 2022, en prévision des Jeux Olympiques de 2024, dont certaines épreuves se déroulaient à Marseille, le Bataillon a inscrit plusieurs médecins répondant aux critères de la formation de Directeur des secours médicaux (DSM) à l’Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers.
C’est ainsi qu’aujourd’hui 17 médecins du BMPM titulaires de cette capacité sont inscrits sur les listes préfectorales des DSM.
Ces personnels formés et aguerris, assurent la couverture classique des soins dans la cité phocéenne mais également des gardes spécifiques en cas d’accident majeur impliquant de nombreuses victimes.
Cette formation a pris toute sa signification lors du cyclone de Mayotte puisqu’un médecin du BMPM à été réquisitionné par le préfet de Mayotte pour assumer la fonction de DSM au décours de cette crise.
[1]Archipel de l'océan Indien situé entre Madagascar et la côte du Mozambique constituantl’une des neuf régions ultrapériphériques de l'Union européenne